Le cannabis médical : usages et perspectives

En dépit d’une législation en rapide évolution dans de nombreux pays occidentalisés, la réputation du cannabis reste sulfureuse en France. L’image est tenace, faite de représentations stéréotypées, et s’avère également réductrice. Car si l’on parle désormais de cannabis thérapeutique, c’est bien en raison des vertus médicinales de la plante. Le chanvre possède en effet de nombreuses applications potentielles, loin du cliché du produit psychotrope aux effets délétères. Quelques précisions en termes de vocabulaire, de produits, d’usages et de législation.

Médical et non-médical

« Cannabis » est le nom latin de la plante que l’on nomme chanvre, de la famille botanique des cannabinacées, qui compte plusieurs variétés. Utilisé depuis l’Antiquité pour produire du textile, le chanvre a également à son actif plusieurs millénaires d’usage médicinal en raison des cannabinoïdes qu’il contient : il s’agit de substances chimiques qui activent certains récepteurs dans l’organisme humain et chez d’autres mammifères.

La distinction entre le cannabis à vocation thérapeutique, et celui à vocation récréative va précisément s’effectuer selon la nature des cannabinoïdes présents dans la plante.

Le tétrahydrocannabinol

Connu sous le nom de THC, ce cannabinoïde est réputé pour ses effets psychotropes, c’est-à-dire qui modifient l’état de conscience du consommateur. En un mot, c’est cette substance qui fait « planer ». C’est donc la concentration en THC qui va être recherchée par les consommateurs de cannabis récréatif, considéré comme un produit stupéfiant et susceptible de créer une dépendance.

Le cannabidiol

Aussi désignée sous le nom de CBD, cette molécule produit un effet sédatif doux (elle calme le système nerveux) adapté au traitement de certaines affections. Mais surtout, les études menées tendent à démontrer que cette substance est sans toxicité pour l’organisme et non addictive. Ce sont donc les plantes riches en cannabidiol qui vont être recherchées pour leurs effets thérapeutiques bénéfiques : on parle alors de cannabis médical.

La prudence française

La loi française est restrictive (l’usage du cannabis est prohibé) mais s’est assouplie sur la question du CBD : des produits à base de CBD peuvent être commercialisés en France s’ils contiennent moins de 0,3% de THC. En décembre 2021, un arrêté gouvernemental a tenté d’interdire la vente de fleurs et de feuilles brutes, mais il a été suspendu par le Conseil d’Etat.

De son côté, l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques reste expérimental et strictement encadré. L’expérimentation a été lancée en mars 2021 dans le cadre de structures sélectionnées, et doit se poursuivre jusqu’en mars 2023. Elle concerne certaines pathologies spécifiquement définies, ou des cas de soulagement insuffisant par les traitements traditionnels.

L’exemple canadien

En réformant sa législation en 2018, le Canada est devenu le premier pays du G7 (et le deuxième au monde après l’Uruguay) à légaliser le cannabis. La production, la vente et la consommation sont désormais encadrés par une loi fédérale (la Loi sur le Cannabis), qui permet la consommation de cannabis récréatif, mais s’est également révélée pionnière pour l’usage du cannabis médical, puisqu’elle a vocation à en faciliter l’accès pour un grand nombre de patients.

Concrètement, le patient doit au préalable obtenir « l’autorisation de son fournisseur de soins de santé » : la consommation de cannabis thérapeutique est donc soumise à l’approbation d’un médecin ou d’un professionnel de santé qui garantit son indication pour certaines pathologies.

Le CBD, un médicament comme les autres

Ainsi, l’huile, les gélules ou des formes comestibles de CBD peuvent faire l’objet d’une ordonnance. Le médecin conseille son patient pour sélectionner les souches recommandées, et pour évaluer le dosage approprié. Muni de cette prescription, il lui suffit s’inscrire auprès d’un producteur agréé par Santé Canada (l’équivalent du ministère de la Santé) pour passer commande de cannabis médicinal. A l’échelle nationale, 32 distributeurs titulaires d’une licence sont ainsi habilités par le gouvernement à fournir les patients, sans compter les détaillants provinciaux (le Québec en compte 6).

Le cannabis médical peut être commandé en ligne ou par téléphone et être livré à domicile dans tout le pays. Par ailleurs, certaines plateformes québécoises proposent un service de mise en relation via Skype entre les patients et les cliniques médicales spécialisées, afin d’obtenir aisément une ordonnance de cannabis CBD.

L’avantage ? L’accessibilité de produits de qualité dans un cadre souple mais exigeant : les souches prescrites sont soigneusement sélectionnées pour leurs vertus thérapeutiques, et pour minimiser les effets secondaires potentiels. De plus, les prescriptions sont personnalisées par un professionnel de santé pour un usage pertinent.

Naturellement, cette consommation légale est strictement réservée aux personnes de plus de 18 ans, âge de la majorité au Canada.

Le CBD médical, pour qui ?

On parle pour l’instant de bénéfices potentiels, dans la mesure où les recherches scientifiques autour du CBD restent récentes et n’ont pas encore publié de résultats complets ou indiscutables. Toutefois, des études se rejoignent sur les vertus analgésiques du cannabidiol, c’est-à-dire sa capacité à soulager la douleur, ainsi que sur son action apaisante sur le système nerveux.

Un antalgique naturel

Il pourrait être particulièrement indiqué pour soulager les douleurs chroniques et contrôler les mécanismes inflammatoires. Parmi les pathologies concernées par les bienfaits du CBD, on trouve communément les douleurs articulaires aiguës de type arthrose, les contractions musculaires douloureuses comme celles provoquées par la sclérose en plaques, les inflammations chroniques, par exemple liées à l’endométriose, les douleurs d’origine neuropathiques comme la fibromyalgie, ou encore les effets secondaires des maladies cancéreuses ou de leurs traitements.

Un antiépileptique potentiel

Grâce à leur action sur certains récepteurs du système nerveux, les molécules de cannabidiol seraient susceptibles de réduire l’activité chimique à l’origine du déclenchement des crises d’épilepsie. Dans le domaine des affections neurologiques de ce type, les perspectives semblent donc très intéressantes.

Un anxiolytique léger

En raison de ses effets réputés apaisants et relaxants, le CBD pourrait être efficace dans la prise en charge des troubles anxieux mais également dans le traitement du stress, de la dépression et des troubles du sommeil. Il pourrait intervenir comme une alternative à la prise de somnifères dans le cadre de l’aide à l’endormissement, sans les effets secondaires liés à ces substances et tout en préservant la vivacité durant la journée.

De façon générale, l’objectif des prescriptions, recherches et expérimentations autour du cannabidiol est l’amélioration du bien-être de nombreux patients, en particulier lorsque les traitements classiques se révèlent insuffisants, inefficaces, ou induisant d’importants effets secondaires.