Étude ESTEBAN : pourquoi les Français doivent réduire leur exposition aux métaux ?

Publiés le 1er juillet dernier par Santé publique France, les résultats de l’étude ESTEBAN sont alarmants : 97 à 100% des Français sont exposés aux métaux lourds. Et les enfants, comme les adultes, sont concernés. Or, ces métaux lourds ne sont pas sans conséquence sur notre santé. D’où l’intérêt de savoir où ils se cachent afin de réduire au maximum notre exposition à ces substances.

Menée par Santé publique France (SpF) entre avril 2014 et mars 2016 sur un échantillon de 1104 enfants et 2503 adultes âgés de 6 à 74 ans, l’étude ESTEBAN avait pour but de mesurer notre exposition à certaines substances de l’environnement, de mieux connaître notre alimentation et notre activité physique, et de mesurer l’importance de certaines maladies chroniques dans la population. Le 1er juillet dernier, les résultats de cette étude au long cours concernant particulièrement l’exposition aux métaux lourds de la population française ont été publiés et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont préoccupants. En effet, les chiffres indiquent la présence de 27 métaux lourds dans l’organisme de la quasi-totalité des Français, y compris les enfants, et ce à des niveaux souvent supérieurs à ceux observés dans le reste de l’Europe et en Amérique du Nord.

L’étude révèle par ailleurs que, si en ce qui concerne le mercure et le nickel, les niveaux mesurés n’avaient pas évolué par rapport à ceux constatés lors de l’étude Etude Nationale Nutrition Santé (ENNS) menée en 2006-2007, pour bon nombre des autres, ils avaient augmenté sur cette même période. Or certains de ces métaux lourds sont des éléments toxiques dont l’accumulation dans l’organisme peut engendrer des conséquences néfastes pour la santé. Ils représentent donc « une préoccupation particulière en termes de risque sanitaire ou d’exposition pour la population française » selon les auteurs qui ont rédigé les conclusions de cette étude.

Des conséquences sur notre santé

Arsenic, mercure, chrome, cuivre et nickel peuvent en effet avoir des effets délétères sur notre santé. Parmi ces métaux lourds, certains favorisent l’apparition de cancers, d’autres peuvent avoir des effets nocifs sur les reins, les os, le cerveau et d’autres organes de notre corps et d’autres encore favorisent l’apparition de maladies cardiovasculaires. Ainsi, outre sa réputation de poison bien connue, l’arsenic est également classé dans le groupe 1 des cancérogènes pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). En effet, il est avéré qu’il est à l’origine de cancers du poumon, de la peau et de la vessie et certaines études suggèrent l’existence d’une association entre l’exposition à l’arsenic et le développement de cancers de la prostate, du foie et du rein. Par ailleurs, ce perturbateur endocrinien augmente aussi considérablement le risque de maladie cardiovasculaire et de diabète. Quant au cadmium, il est considéré comme cancérogène certain pour l’homme par le CIRC car il est impliqué dans l’apparition du cancer du poumon, l’inhalation en milieu professionnel étant la principale voie d’exposition. Comme le cadmium, le chrome et le nickel sont classés comme cancérogènes certains par le CIRC car il sont tous les deux impliqués dans l’apparition de cancers des poumons, des cavités nasales et des sinus.

Du côté du cuivre, aucun caractère cancérogène n’a été encore déterminé, mais selon l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), il peut affecter la fertilité, causer des dommages au fœtus ou aux organes des adultes et provoquer des atteintes aux tissus pulmonaires ou encore des lésions au foie. Le constat n’est guère plus réjouissant en ce qui concerne le mercure puisqu’une exposition, même brève, peut être lourde de conséquences : irritation des voies respiratoires, troubles digestifs, pneumopathie, une inflammation de la muqueuse de la bouche, lésions de la peau, atteinte rénale, encéphalopathie pouvant conduire à des convulsions et au coma…

Réduire son exposition aux métaux lourds, c’est possible !

Le problème, c’est que ces métaux lourds sont omniprésents dans notre vie de tous les jours. L’alimentation, notamment, représente la principale voie d’exposition à ses substances néfastes pour la population générale. Dans les documents qu’elle consacre à l’imprégnation de la population par ces métaux lourds, SpF identifie par exemple les graines oléagineuses, les fruits secs, les fruits à coques et le chocolat pour le nickel, et le pain, le lait et les pâtes pour le chrome.

Par ailleurs, et cela peut sembler plus surprenant au premier abord, mais l’Agence nationale de santé publique a constaté une imprégnation plus élevée au cuivre chez les enfants consommant fréquemment des céréales et des légumes bio. Mais ce sont surtout les poissons, et plus généralement tous les produits de la mer, qui sont pointés du doigt par SpF car ils influencent considérablement les concentrations en arsenic, chrome, cadmium et mercure. Hors alimentation, les plombages sont signalés comme étant une cause majeure d’exposition au mercure et les implants médicaux au chrome. Enfin, SpF précise que la consommation de tabac augmente les concentrations en cadmium et en cuivre. Dans le cas du cadmium, le tabac entraine même une augmentation de plus de 50% d’imprégnation chez les fumeurs.

Forte de ces constatations, SpF a prodigué au terme de cette étude très complète de précieux conseils pour réduire au maximum son exposition aux métaux lourds. En premier lieu, elle souligne combien « les résultats de l’étude ESTEBAN permettent de rappeler la nécessité d’ancrer davantage la lutte contre le tabagisme y compris le tabagisme passif afin de réduire l’exposition au cadmium ». Par ailleurs, l’alimentation étant l’une des principales sources d’exposition à ces substances potentiellement nocives, SpF rappelle qu’il est important de diversifier les sources d’aliments, et en particulier en ce qui concerne les produits de la mer et les poissons. Si l’agence reprécise combien il est bénéfique de respecter les recommandations du Programme national Nutrition santé (PNNS) en la matière en mangeant du poisson deux fois par semaine, dont un poisson gras riche en omégas 3 tels que la sardine, le hareng, le maquereau, le saumon, l’anchois ou le thon, elle préconise aussi de varier les espèces et les lieux de pêche. Autant de recommandations bien utiles à rappeler car, comme l’explique Geneviève Chêne, directrice générale de SpF, « la surveillance de l’imprégnation de la population aux substances chimiques est un enjeu de santé publique ». Il n’y a plus qu’à espérer que les prochaines études de biosurveillance, nécessaires pour suivre dans le temps les évolutions des expositions de la population, pourront mettre en exergue un impact positif des politiques publiques visant à réduire l’exposition des Français aux métaux lourds.

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